lundi 29 février 2016

Tchernobyl, suite et jamais de fin


Nous voici en 2016, la date limite de vie du sarcophage de béton contenant le réacteur fondu de Tchernobyl, construit en urgence au prix de la santé et de la vie des ouvriers ukrainiens après la catastrophe de 1986. 

Une nouvelle arche de confinement – dont la construction a été confiée à Bouygues et Vinci, fleurons de l’industrie et du lobbyisme français –, aurait dû voir le jour dès 2005, mais la construction n’a finalement commencé qu’en 2010 et son achèvement prévu pour 2012 est repoussé sans cesse – aujourd’hui il est question de fin 2017… Evidemment le chantier n’est pas simple, l’arche est colossale (108 mètres de haut, 257 mètres de portée sur 162 mètres de long) et devra se déplacer sur des rails pour couvrir le sarcophage obsolète –, et les conditions de travail sont périlleuses en zone contaminée. 

Pourtant les aléas du chantier de l’arche de confinement ne sont pas la principale menace que fait peser Tchernobyl sur l’Europe aujourd’hui : au cours de l’année 2015, un certain nombre d’incendies de forêt se sont déclarés dans la zone d’exclusion qui entoure la centrale désaffectée. Or, ces forêts dont le sol est tapissé d’un épais tapis de feuilles mortes qui ne pourrissent jamais, fautes des micro-organismes nécessaires à la décomposition, sont aussi saturées de poussières radioactives – certaines désormais incorporées dans le bois des arbres – qui sont transportées dans l’atmosphère par la fumée des incendies et peuvent voyager sur de longues distances. Certaines de ces poussières, comme le Strontium-90, une fois absorbées par des organismes vivants se fixent dans les os et s’attaquent lentement mais sûrement aux tissus les entourant…

La conjonction du réchauffement climatique et de la déliquescence des services publics de l’entretien forestier, suite à la conversion forcée au capitalisme, a rendu les incendies de forêts en ex-URSS de plus en plus courants – et que ce soit en Ukraine, au Belarus ou en Russie, celles-ci sont contaminées largement au delà de la zone d’exclusion de Tchernobyl. Mais la fréquence, les circonstances et la localisation des incendies de la forêt de Tchernobylskaïa Puchtcha laissent fortement à penser qu’ils sont d’origine criminelle, et les autorités continuent à s’interroger sur les motivations des incendiaires – on ne peut pas ne pas évoquer une possible entreprise de déstabilisation orchestrée par la Russie dans le cadre du bras de fer autour du Donbass. Pour le moment le gouvernement ukrainien assure qu’il n’y a pas de danger de contamination, mais la culture de secret et de la dénégation que partagent l’industrie nucléaire et les gouvernements postsoviétiques n’incitent guère à la confiance.

Publié dans Siné Mensuel N° 50 février 2016