mercredi 3 septembre 2014

Hypo Alpe Adria, la banque qui met l’Autriche à découvert


Ha ça, quand une drag-queen à barbe gagne l’Eurovision, les médias français en parlent de l’Autriche, mais quand une grosse banque mouillée dans une myriade d’affaires louches – du copinage avec l’extrême droite de Jorg Haider au blanchiment d’argent de la mafia serbe – et nationalisée en 2009 pour sauver les meubles, finit par se crasher en rase campagne, il n’y a plus personne ! Pourtant la chute d’Hypo Group Alpe Adria est la plus grande faillite bancaire en Europe depuis les années 1930, et ce dans un des pays les mieux portants de la zone euro !


Banque à la papa devenue holding au début des années 1990, la HGAA s’est considérablement enrichie sur les dépouilles de la Yougoslavie d’après-guerre, grâce à la garantie du länder de Carinthie sous le gouvernement de Haider, qu’elle finance aveuglément en contrepartie, puis de la Banque Publique de Bavière – sur fond de corruption et détournements. Fragilisée par ses pratiques douteuses, elle se prend la crise de 2008 de plein fouet, obligeant  l’Autriche à racheter  les parts de la Bayerische Landesbank pour un euro symbolique ! Cette nationalisation n’aura servie à rien et l’épilogue de ce scandale financier arrive aujourd’hui avec le vote en juillet par le parlement autrichien d’un plan de liquidation de HGAA – quoique les grandes institutions financières comme la BCE ou la Banque Mondiale n’apprécient guère comment l’Autriche interprète certaines régulations internationales, et les créanciers spoliés en appellent à la justice… 

Au final, l’état autrichien devra dépenser 19 milliards d’euros pour éponger les dettes d’HGAA, doublant son déficit de 2013 à 2014 et explosant la dette extérieure qui passe à 80% de son PIB. Mais tout plutôt que la faillite qui écornerait sa crédibilité de place financière – il ne faut oublier qu’à l’instar de ses voisins suisses, mais plus discrètement, l’Autriche est un paradis fiscal qui tire une part non négligeable de sa richesse de son industrie bancaire…
Ces 19 milliards évaporés passent évidemment mal auprès des Autrichiens, et pour que ce que représente la perte de cette somme soit bien compris, un groupe d’étudiants en architecture de l’Université Technique de Vienne a conçu Hypotopia, un projet de ville futuriste, écologique, énergétiquement autonome, avec écoles, stade, musées, hôpitaux…  Les viennois pourront bientôt admirer une maquette de cette ville qui n’existera jamais et aurait pu recevoir 100 000 habitants – ce qui en ferait la sixième ville du pays !

Publié dans Siné Mensuel n°34, Septembre 2014