vendredi 15 février 2013

A droite toute !


"Mes paroles ont été intentionnellement mal interprétées." Z’avez déjà entendu ça quelque part ? C’est devenu un grand classique en ces temps de décomplexage droitier à l’échelle européenne… Mais qu’a bien pu écrire dans une chronique du Magyar Hirlap le journaliste Zsolt Bayer – un des membres fondateurs du parti conservateur Fidesz au pouvoir, et proche du premier ministre hongrois Viktor "Viktator" Orban – qui puisse prêter ainsi à confusion ? 

Oh, des petites choses comme : « (…) La majorité des Rroms ne sont pas dignes de vivre parmi les humains, ce sont des animaux qui se comportent comme des animaux (…), copulent avec n’importe qui n’importe où (…), font leurs besoins où et quand ça leur prend (…), veulent tout ce qu’ils voient et tuent pour l’avoir…» Bon, j’abrège parce que ça continue comme ça un moment, mais ça finit avec « la seule chose qu’ils comprennent est la force brutale (…), il faut résoudre le problème, maintenant, et de toute les façons possibles ». C’est vrai que c’est ambigu… 

Zsolt Bayer n’ayant pas de fonction au Fidesz ni de portefeuille au gouvernement, il peut servir de porte-voix officieux et d’agent provocateur à Viktor Orban – et ne s’en prive pas, multipliant les articles racistes, antisémites et xénophobes en tout impunité, organisant l’année dernière à Budapest les « Marches pour la Paix » (Orwell n’aurait pas trouvé mieux) – manifestations pro-gouvernementales, ultranationalistes et antieuropéennes (contre l’ « UERSS ») rassemblant des centaines de milliers de… petits vieux ramenés en cars de tout le pays (il font ça aussi là-bas) ou même de l’étranger. Bayer fait ainsi le pont avec le parti d’extrême droite Jobbik, ouvertement néo-nazi, nostalgique de l’hungarisme des années 1930 et adepte des milices paramilitaires – et le Fidesz a bien besoin des voix du Jobbik, étant donné que la politique autoritaire et économiquement catastrophique d’Orban est en train de faire fuir son électorat plus modéré et a amené l’opposition à enfin s’organiser après des années de chaos. 

Il y a bien eu quelques protestations de la part de l’opposition, de la commission européenne et même d’un membre du gouvernement Orban – vite rentré dans le rang –, et une plainte a été déposée et instantanément déboutée au prétexte qu’il n’y a pu eu de violences consécutives directement imputables aux propos de Bayer. Chez nous, une dépêche de l’AFP est passée inaperçue dans l’actualité brûlante de ce début d’année en Mordovie – il faut bien admettre que la crise de la zone euro de ces dernières années a causé un retour d’intérêt exclusif vers les pays fondateurs aux dépends des nouveaux membres, et c’est bien dommage, parce que ce qu’il se passe aux marches de l’Empire est plein d’enseignements et aura son lot de conséquences quand la tempête se sera calmée. Et si la Hongrie de Viktor Orban a disparu des radars français depuis la fin de sa présidence de l’Union Européenne, l’ambiance ne s’y est pas améliorée. Et notamment toutes les lois relatives à l’amélioration des conditions de vie des Rroms qui ont été votées à l’époque sous pression de l’Europe quand c’était un enjeu pour les gouvernement de droite de divers pays – notamment la France et l’Italie – ont été petit à petit détricotées, détournées ou annulées. A suivre donc, hélas… 

Publié dans Siné Mensuel n°17, Février 2013